"Purgeatoire"
Voilà comment une banale journée d'équipement peut partir en sucette,
ou qu'un 5sup de 15 mètres peut coûter très cher à son équipeur…
Au printemps 2004, quelques temps avant la compète Escalatabel au Thaurac,
nous équipons en pleine bourre les dernières voies faciles qui allaient servir de finale aux minots.
Mais trouver un 5sup vierge au secteur Benge, c'est comme chercher une baramine
dans une meule de foin; facile pour Didier, qui nous dégote un 5b de derrière les fagots,
et surtout de dessous-un-gros-bloc-énorme prêt à se casser la gueule…
On ne nous la fait pas.
Barrage de route à coup de rubalise (la départementale est à 20 mètres), périmètre de sécurité,
baramine de collection et autres cannes à purges en alliage titane, nous voilà en place
pour une purge dans les règles (et quand je dis nous c'est Partick et Hervé au délogeage,
et moi à la circulation routière).
Dans les règles presque, car tous en short et tongues, sans casques et torse nus.
Pas véritablement une tenue de chantier. Mais bon, ça devrait pas durer,
car le bloc (équivalant à un bon Ford Transit en volume) nous semblent facile.
OK feu vert.
Je contemple de la route les premiers fracas de cailloux, les deux compères ayant attaquer
le travail préliminaire de fragilisation de l'ensemble, le calcaire qui s'explose inonde mes narines
d'un doux parfum que j'apprécie tant : l'odeur de la purge, nette et sans bavure.
L'extase, le bonheur, l'ataraxie, ces rochers qui s'effondrent dans un fracas sourd,
les infra basses des écailles qui se transformant en pluie de cailloux au contact du sol,
la poussière de calcaire s'élevant tel un champignon atomique, la destruction
pour la construction, le mal pour le bien…
Jusqu'à ces putains d'étincelles.
Bleues, violettes, puissantes, des étincelles de plusieurs mètres, d'un coup, sans prévenir,
au dessus des chênes verts.
MERDE.
La ligne moyenne tension.
Dans la précipitation, on l'a complètement zappée.
On vient de fracasser la ligne EDF cachée dans les arbres entre la falaise et la route,
un des câble se coupe et vient tel un serpent cracher ses 20000 volts sur le macadam,
à un mètre de ma gueule abasourdie par tant d'imprévu.
MERDE.
Le gars de la grotte de Demoiselles me l'avait pourtant bien dit :
« Faites gaffes à la ligne EDF, si vous la casser avec vos rochers, on aura plus de jus !... »
ET MERDE.
Il me faut plusieurs secondes pour décrocher du spectacle de ces électrons en fusion
et apercevoir Patrick et Hervé qui pensent eux avoir écraser une bagnole
qui se serait mise à cramer.
PUTAIN.
Pas une minute à perdre, les touristes doivent être bloqué dans la grotte,
faute de jus pour prendre le funiculaire, et sans lumière.
VITE.
Bloquer définitivement la route avant qu'une bagnole roule sur 20000 volts,
et appeler les pompiers pour dégager ce câble avant d'avoir vidé le réacteur EDF du coin…
TROP TARD.
Les premières sirènes retentissent déjà sur la route des grottes, les pompiers,
suivis des flics sont déjà en route vers l'épicentre, la coupure de courant
ayant plongé les villages aux alentours (soit plus de 5000 personnes)
dans une pénurie totale. Les feux de circulation ne fonctionnent plus à 10 bornes à la ronde,
le transformateur local est grillé, et la route en sens unique est cette fois-ci plus que bloqué,
obligeant les touristes de la grotte à partir en sens interdit,
tout ça sous l'œil médusé des gendarmes.
CA CRAINT!
Je commence à me poser des questions, et jette un coup d'œil aux purgeurs,
morts de rire sur leurs stats, me laissant seul expliquer aux flics que maintenant que le mal est fait,
autant finir de nettoyer les derniers blocs en équilibre.
Accord des forces de l'ordre, et c'est sous escorte de la gendarmerie de Ganges
que nous finissons de purger les quelques dommages co-latéraux,
en attendant que les gars d'EDF réparent la ligne…
Et le soir même, c'est chez Rémy, au café Glacier, que nous faisons le débriefing de purge :
une dizaine de mètres cubes de cailloux délogés, le pied de falaise ravagé,
la ligne EDF coupée en deux, suite à la chute d'un grand chêne vert écrasé sous un bloc,
plusieurs milliers d'Euros de dégâts, et surtout une franche rigolade.
(Rémy, lui, ça le faisait moyennement rigoler : il avait un gros bout de sanglier
dans le congel, et il avait peur qu'il ne se perde !!).
Depuis les journées de purge nous paraissent bien fades.
Pour l'équipe H, Arno Catz.
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Précisons que le secteur venait d'être conventionné une semaine plus tôt,
ce qui épargna nos comptes en banques d'une grosse purge malvenue,
les assurances ayant fonctionnées.
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Qu'on vienne plus nous dire qu'on équipe pas de voies faciles !
Tout ça pour un 5sup, qui a du coup été rallongé de 8 mètres,
et qui est aujourd'hui patiné.
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La voie s'appelle « Born to Purge ». Et il a fallu deux jours supplémentaires
de bagarre à la barre à mine et au cric pour parvenir à bout de ce bloc,
image à l'appui dans purgemag/vidéos (lien Video).
Arno C.
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